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Marcel Delozanne, le 8 juillet 1942 |
Matricule « 45450 » à Auschwitz
Marcel Delozanne est né le 13 mai 1902 au 3 rue Linné à
Paris 5ème. Il est le fils d’Eugénie Gallon, 35 ans, ménagère et de
Victor Delozanne, 41 ans, mouleur en plâtre. Ses parents sont domiciliés au 9
chemin des Ruffins à Montreuil.
Marcel
Delozanne habite au 53 rue des Ruffins à Montreuil (Seine / Seine-Saint-Denis)
au moment de son arrestation.
Le
20 février 1926, il a épousé à Montreuil Jeanne, Eugénie, Pauline Chalmoy. Le
couple a deux garçons (Raoul nait le 21 mars 1927 et Louis nait le 21 juin
1928).
Marcel
Delozanne travaille comme plombier-couvreur.
Membre
du Parti communiste, il est connu des Renseignements généraux comme animateur
de la propagande communiste en direction des chômeurs de Montreuil.
Après
la dissolution du Parti communiste, il appartient à un groupe de six
communistes montreuillois qui militent clandestinement (dont Georges
Brumm, Alfred Chapat, Marcel Vandenhove, Marceau Vergua). Au début de
l’Occupation, le groupe « mène des
actions contre la fabrication de matériel de guerre destiné aux Allemands »
(témoignage de Georges
Brumm, rescapé). Le 18 octobre le groupe a collé des affichettes « à bas Hitler ». Quatre d’entre eux
sont arrêtés le lendemain. Georges
Brumm pense que le groupe n’a pas suffisamment respecté les consignes de
sécurité, et qu’ils ont été filés (1).
Marcel
Delozanne est arrêté une semaine plus tard, le 26 octobre 1940 à Montreuil par
les hommes du commissaire Doty (commissariat de Montreuil) : le 26 octobre
1940, le Préfet de police de Paris, Roger Langeron signe un arrêté ordonnant
son internement administratif (2) avec celui de 37 autres militants du
département de la Seine. Marcel Delozanne est interné ce même jour au camp
d'Aincourt (il a le n° de dossier 202.393, relevé au bureau d’ordre le 20
novembre 1940). Lire dans le blog Le
camp d’Aincourt. Il est désigné comme chef d’équipe d’un groupe de détenus
chargés de l’entretien (plomberie, sanitaires) et si le directeur du camp
reconnait la régularité de son travail, il note qu’il est un « communiste certain, agent sûr de propagande…».
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Demande du directeur de Rouillé au Préfet de la Seine |
Puis Marcel Delozanne est transféré au
centre d’Internement administratif de Rouillé (3), le 6 septembre 1941 au sein
d’un groupe de 149 internés. Le 14 octobre, le directeur du camp demande au
préfet de la Seine un double des dossiers des internés arrivés à Rouillé un
mois auparavant, dont celui de Marcel Delozanne. Ces dossiers lui sont envoyés
par les Renseignements généraux le 28 octobre (doc C-331.24).
Pour Marcel
Delozanne, le commentaire est le suivant « animateur
de la propagande communiste parmi les chômeurs de Montreuil ».
Lors de son internement à Rouillé, son épouse et sa mère demandent
sa libération au directeur du camp eu égard à sa situation de père de
famille : il leur est répondu qu’étant un « militant communiste notoire », cette libération est
impossible.
Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au commandant
du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au
camp allemand de Compiègne (Frontstallag 122). Le nom de Marcel Delozanne (n°
63 de la liste) y figure et c’est au sein d’un groupe de 168 internés (4) qu’il
arrive au camp allemand
de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122) le 22 mai
1942. La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6
juillet.
Il
est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000». Ce convoi d’otages composé, pour
l’essentiel, d’un millier de communistes (responsables politiques du parti et
syndicalistes de la CGT)
et d’une cinquantaine d’otages juifs (1170 hommes au moment de leur
enregistrement à Auschwitz) faisait partie des mesures de représailles
allemandes destinées à combattre, en France, les Judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions
armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et
des soldats de la Wehrmacht,
à partir d’août 1941. Lire dans le blog le récit des deux jours du
transport : Compiègne-Auschwitz
: 6, 7, 8 juillet 1942.
Sa
photo d’immatriculation à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des
membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver
de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation
d’Auschwitz.
Après
l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y
sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp
annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13
juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS
ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz
I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés
au terrassement et à la construction des Blocks.
Si
les documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant
l’évacuation d’Auschwitz ne nous permettent pas de savoir avec certitude dans
quel camp il est affecté à cette date, il est vraisemblable que compte tenu de
sa profession, il ait été affecté au « Kommando
des couvreurs » à Auschwitz I, avec Georges Guinchan (de Montreuil),
Pierre Monjault et Louis Jouvin.
En
application d’une directive de la Gestapo datée du 21 juin 1943 accordant aux
détenus des KL en provenance d’Europe occidentale la possibilité de
correspondre avec leur famille et de recevoir des colis renfermant des vivres, Marcel
Delozanne, comme les autres déportés politiques français d’Auschwitz, reçoit en
juillet 1943 l’autorisation d’échanger des lettres avec sa famille - rédigées
en allemand et soumises à la censure - et de recevoir des colis contenant des
aliments. Ce droit leur est signifié le 4 juillet 1943. Lire dans le blog :
Le
droit d'écrire pour les détenus politiques français. A partir du 14 août
1943 il est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des Français
survivants. Lire
l'article du blog "les 45000 au block 11.
meurt à Auschwitz le 22 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi
au camp d’Auschwitz (in Death Books from
Auschwitz Tome 2 page 409).
Selon
le témoignage de Georges
Brumm, Marcel Delozanne doit quitter le block 11 lors de la quarantaine des
détenus politiques français, car il est atteint de la tuberculose.
Marcel
Delozanne meurt à l'infirmerie d’Auschwitz le 4 octobre 1943 selon la liste par
matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du
Musée d'Etat d'Auschwitz-Birkenau.
Un
arrêté ministériel du 19 mars 2008 paru au Journal Officiel du 26 mars 2008, porte
apposition de la mention «Mort en
déportation» sur les actes et jugements déclaratifs de décès de Marcel
Delozanne, avec une date fictive : « décédé en décembre 1943 à Auschwitz (Pologne) ».
Déclaré
« Mort pour la France », il
est homologué « Déporté politique ».
Son nom figure sur la plaque commémorative rue Victor Hugo, intitulée "Honneur aux communistes de Montreuil tombés
pour une France libre forte et heureuse".
- Note 1 : En fait ces arrestations
entrent dans le cadre de la campagne de répression obtenue par Vichy à l’encontre
des militants communistes connus, qui a débuté le 5 octobre par une grande
rafle. Ce sont plus de 300 communistes qui sont arrêtés dans ces premières
rafles du début octobre. Une note des RG du 7 octobre s’en félicite « PC. La répression s'est exercée avec des
moyens accrus. En effet, à la suite de démarches pressantes faites auprès de
l'autorité occupante, la préfecture de police a pu obtenir qu'il ne soit pas
mis obstacle à l'application des décrets-lois des 18 novembre 1939 et 3
septembre 1940 ».
- Note 2 : L’internement
administratif a été institutionnalisé par le décret du 18 novembre 1939,
qui donne aux préfets le pouvoir de décider l’éloignement et, en cas de
nécessité, l’assignation à résidence dans un centre de séjour surveillé, « des individus dangereux pour la défense
nationale ou la sécurité publique ». Il est aggravé par le
gouvernement de Vichy fin 1940 : la Loi du 3 septembre 1940 proroge
le décret du 18 novembre 1939 et prévoit l'internement administratif
de "tous individus dangereux pour la
défense nationale ou la sécurité publique". Les premiers visés sont
les communistes.
- Note 3 : Le camp
d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941,
sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région
parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au
camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses
et du camp des Tourelles. / In site de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé.
- Note 4 : Dix-neuf
internés de la liste de 187 noms sont manquants le 22 mai. Cinq d’entre eux ont
été fusillés (Pierre Dejardin, René François, Bernard Grimbaum, Isidore
Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés (Albert Belli, Emilien Cateau
et Henri Dupont). Les autres ont été soit libérés, soit transférés dans
d’autres camps ou étaient hospitalisés.
Sources
- Fichier
national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains
(BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre
1993.
- Archives de la Préfecture de police
de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
- Archives
du Centre de documentation juive contemporaine : XLI-42, liste de détenus
transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne en mai 1942.
- MRN
(Musée de la Résistance nationale) de Champigny-sur-Marne, carton “Association nationale des familles de
fusillés et massacrés”, fichier des victimes.
- Liste
(incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les
historiens du Musée d'Etat d'Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des
victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant
généralement la date de décès au camp.
- Livre des déportés ayant
reçu des médicaments à l'infirmerie de Birkenau, kommando d'Auschwitz, Registre
des décédés (n°
d'ordre, date, matricule, chambre, nom, nature du médicament) du 1.11.1942 au
15.07.1943.
- Liste
des détenus ayant été soignés à l’infirmerie d’Auschwitz (BAVCC. Ausch 3/T3).
Biographie mise à jour en juillet 2013 à
partir de la note succincte que j’avais préparée à l'occasion du 60ème anniversaire
du départ du convoi, qui a été publiée dans la brochure éditée par le Musée d’histoire
vivante de Montreuil. Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des
ouvrages : «Triangles
rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions
Autrement, 2005 Paris et de "Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet
1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de
mentionner ces références (auteur et coordonnées du blog) en cas de
reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette
biographie. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un
courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com Pensez à indiquer
les sources et éventuellement les documents dont vous disposez pour confirmer
ces renseignements et illustrer cette biographie.
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