Matricule "45805" à Auschwitz
Rescapé
Victor
Louarn est né le 30 mars 1919 "en ville close" à
Concarneau (Finistère). Il est le fils de Jeanne Kermenguy et de Victor Louarn
son époux. Il habite chez ses parents au 13 rue des Remparts à Concarneau au moment de son arrestation.
Il
est célibataire et travaille comme mousse chez Provost-Barbe à l'âge de 16 ans, puis comme régleur sertisseur à la conserverie Bouvais,
devenue aujourd'hui centre des arts au moment de son arrestation.
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Ouest Eclair 5 août 1935 |
Sportif et courageux, Victor Louarn a été décoré de la médaille d'argent de sauvetage (marine marchande) en 1936 pour avoir sauvé de la noyade un marin-pêcheur sardinier, Pierre Bourhis tombé dans l'avant-port de Concarneau. Le 5 août 1936, Victor Louarn s'est jeté tout habillé et a réussi à ramener le marin sur la cale. Cet acte de bravoure est rapporté dans plusieurs journaux locaux
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Victor Louarn, assis, deuxième en partant de la gauche |
Théophile, son frère cadet
de deux ans et lui pratiquent le football à l'Union Sportive Concarnoise (photo ci-contre).
Victor Louarn est mobilisé en 1939.
Militant actif du Parti
communiste, il est, avec Alain Le Lay, secrétaire régional du Finistère et
responsable du Parti communiste clandestin à Concarneau, à l'origine de la
formation du Front National dans la région concarnoise. Ces activités motivent
son arrestation par la police spéciale (française) de Quimper, le 11 juin 1941 pour distribution de tracts, avec 3 autres jeunes, dont son camarade Esprit Jourdain est arrêté le même jour que lui. Il le verra mourir à Birkenau.
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La dépêche de Brest 24 juin 1941 |
Victor Louarn est déféré devant le Tribunal de Quimper le 12 juin 1941 pour «tentative
de reconstitution de la section des Jeunesses communistes». Condamné comme esprit Jourdain à 6 mois de prison, il est incarcéré la prison de Quimper
(Le Bourguen) entre le 12 juin 1941 et le 30 avril 1942.
Il est remis aux autorités
allemandes à leur demande le 30 avril 1942.
Victor Louarn est déporté à
Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000». Ce convoi d’otages
composé, pour l’essentiel, d’un millier de communistes (responsables politiques
du parti et syndicalistes de la CGT) et d’une cinquantaine d’otages juifs (1170
hommes au moment de leur enregistrement à Auschwitz) faisait partie des mesures
de représailles allemandes destinées à combattre, en France, les
«judéo-bolcheviks» responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées
organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des
soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le blog le
récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz
: 6-8 juillet 1942.
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L' entrée du camp d'Auschwitz I |
Victor Louarn est
enregistré à leur arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 (11 heures du matin)
sous le numéro 45805. Ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche
quelques mois plus tard. Lire dans le blog le récit de leur premier
jour à Auschshwitz : L'arrivée
au camp principal, 8 juillet 1942. Après l’enregistrement, il passe la nuit
au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le
9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka),
situé à 4 km du camp principal.
Le 13 juillet : « Nous
sommes interrogés sur nos professions. Les spécialistes dont ils ont besoin
pour leurs ateliers sont sélectionnés et s'en retournent à Auschwitz I, ils
sont approximativement la moitié de ceux qui restaient de notre convoi. Les
autres, dont je suis nous restons à Birkenau où nous sommes employés pour le
terrassement et pour monter des baraques appelées Block ». Pierre
Monjault. Il est témoin de l'horreur au quotidien, décrite minutieusement
par René Maquenhen (lire dans le blog, La
journée-type d'un déporté d'Auschwitz.
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Kommando de la Forge |
Il
est affecté au Kommando de la Forge. Il y travaille avec Ferdinand Bigaré,
Raymond Boudou, Eugène Charles, Gabriel Lacassagne, Marceau Lannoy, Jules Le
Troadec.
Un soir (le 16 ou le 17 mars
1943), après l’appel, la plupart des «45000» survivants à Birkenau (vingt-cinq)
sont rassemblés. Consignés dans un block, dix-huit d’entre eux, dont Victor
Louarn, sont conduits le lendemain sous escorte au camp principal, Auschwitz I.
En application
d’une directive datée du 21 juin 1943 accordant aux détenus français des
KL la possibilité de correspondre avec leur famille et de recevoir des colis
renfermant des vivres, il reçoit le 4 juillet 1943, comme les autres détenus
politiques français d’Auschwitz, l’autorisation d’échanger des lettres avec sa
famille - rédigées en allemand et soumises à la censure - et de recevoir des colis
contenant des aliments.
Entre le 14 août 1943 et le
12 décembre 1943, il est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des
Français survivants. Lire
l'article du blog "les 45000 au block 11. Le 12 décembre, les
Français quittent le Block 11 et retournent dans leurs anciens Kommandos.
Le 21 avril 1945, le camp
est évacué en direction de la Baltique, par colonnes de 500 détenus, en
direction de Schwerin puis de Lübeck ou de Hambourg. Certains
"45 000" sont libérés, au cours de ces terribles "marches
de la mort", par les Soviétiques, au début mai : Daniel Nagliouck,
René Maquenhen, Georges Marin, Henri Mathiaud, Auguste Monjauvis, René
Petitjean. Victor Louarn est également libéré, le 2 mai par les
Soviétiques. Il regagne la France le 23 mai 1945.
Mais il est atteint de
tuberculose pulmonaire. La mort de son frère, déporté à Buchenwald l'affecte
profondément.
A son retour il habite au 8
rue Jean Bart à Concarneau.
Il est mareyeur à Concarneau, activité qu’il devra
cesser en 1958 pour cause de maladie. Il se marie à Concarneau le 13 avril 1946
avec Thérèse Le Floch. Ils ont deux filles, Josette, née en 1947 et Andrée, née
en 1950.
La famille habite au 16 rue des Roses à Concarneau.
Le titre de «Déporté Résistant» lui est attribué le 26 septembre 1952.
Victor Louarn est mort le 3
mars 1979 des suites de sa maladie.
Des obsèques solennelles lui rendent hommage à Concarneau en présence d’une
nombreuse assistance «associations patriotiques avec drapeau, FNDIRP de
Concarneau et de Quimper conduite par Jean Bernard, du maire et du conseil
municipal. Selon ses volontés son cercueil fut recouvert du drapeau de notre
section, ni fleurs, une seule couronne de notre section locale» (Thérèse
Louarn).
Une rue de la Ville close
rappelle le sacrifice de son frère Théophile, né le 21 février 1922 à Concarneau. Il est déporté à Buchenwald dans le convoi du 22 janvier 1944. Il est affecté au camp de Dora-Mittelbau. Théophile meurt à Elrich le 27 mars 1945.
Sources
- Lettres
de Victor Louarn à Roger Arnould (1972).
- Documents
envoyés à Roger Arnould par le secrétaire de la section de la FNDIRP de
Concarneau, Gilbert Troisième.
- Lettre
de madame Thérèse Louarn (1979).
- Archives
municipales de Concarneau.
- Témoignage
de Roger Abada (1989).
- Brochure
: «Concarneau sous l’occupation», p. 4, 6 ,7.
- Eugène Kerbaul,
Cahiers d'Histoire de l’IRM, 1985, n° 22, page 100.
- Dictionnaire
biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier
(dir), éditions de l’Atelier, tome 34, page 203.
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Ouest-France, 5 juillet 2002 |
- Photo de groupe : Il s'agit d'une photo du club de foot de Concarneau (USC). En aucun cas elle n'a put être prise au camp de Compiègne, comme l'indique par erreur © Ouest France, édition du 5 juillet 2012. Coupure envoyée par Mme Geneviève Le Goanvic et Lucien Corolleur. Mme Bernardini m'informe que son père Auguste Le Goanvic, né en 1920 figure également sur cette photo (le troisième en haut à gauche).
Biographie rédigée
en janvier 2006, mise à jour en 2012 et 2017 par Claudine Cardon-Hamet, docteur
en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles
rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 »
Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille
otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000»,
éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces
références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas de reproduction ou
d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou
corriger cette biographie, vous pouvez me faire un courriel deportes.politiques.auschwitz@gmail.com Pensez à indiquer les sources et éventuellement les
documents dont vous disposez pour confirmer ces renseignements et illustrer
cette biographie.
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